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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/28

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XIV

PREFACE DU TRADUCTEUR

qu’un agrégat de prédicats, aussi peux-tu le concevoir, c’est-à-dire le définir et le distinguer d’autres concepts voisins. Mais toi tu n’es pas définissable, toi tu n’es pas un concept, car tu n’as aucun contenu logique ; et c’est de toi, l’indisable et l’impensable, que jt parle ; T Unique ne fait que te désigner, comme te désigne le nom qu’on t’a donné en te baptisant, sans" dire ce que tu es ; dire que tu es unique revient à dire que tu es toi ; Tunique n’est pas un concept, une notion, car il n’a aucun con tenulogique :tuessoncontenu,toi,le«qui»etle«il» de la phrase. Dans la réalité, l’unique c’est toi, toi contre qui vient se briser le royaume des pensées ; dans ce royaume des pensées, l’unique n’est qu’une phrase — et une phrase vide, c’est-à-dire pas même une phrase ; mais « cette phraseest la pierre sous laquelle sera scellée latombe de notre monde des phrases, de ce mande au commencement duquel était le mot. » Et l’individu n’étant pas une idée que j’op pose à VHomme, l’unique n’étant que toi, ton « égoïsme » n’est nullement un impératif, un devoir ou une vocation ; c’est, comme l’unique, une — phrase^ « mais c’est la dernière des phrases possible, et destinée à mettre fin au règne des phrases. »

L’ Unique est donc pour Stirner le moi gedankenlos,çwî n’offre aucune prise à la pensée et s’épanouit en deçà ou au delà de la pensée logique ; c ’est le néant logique d’où sor tent comme d’une source féconde mes pensées et mes volon tés. — Traduisons, et poursuivant l’idée de Stirner un peu plus loin qiCil ne le fit, nous ajouterons : c’est ce moi profond et non rationnel dont un penseur magnifique et inconsistant a dit par la suite : « O mon frère, derrière tes sentiments et tes pensées se cache un maître puissant, un sage inconnu ; il se nomme toi-même (Selbst). 77 habite ton corps, il est ton corps * . » (i) Fr. Niel^che, Also sprach Zarathustra, p. 47. Nous laissons ih côté tout parallèle entre Niet^che et Stirner ; il y a de telles affi nités entre /’Unique et sa propriété et la partie critique de Pauvre du chantre de Zarathustra,qu’il est difficile de se convaincre, quoique le fait soit à peu près prouvé, que ce dernier ne connut point Stirner.