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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/285

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tu n’as pas à céder ni à te renier toi-même.

On prend l’antithèse dans un sens trop formel et trop restreint lorsqu’on s’attache simplement à la « résoudre » pour faire place à une « synthèse ». Il faudrait au contraire accentuer encore l’opposition. En tant que juif et chrétien, vous n’êtes pas encore assez radicalement opposés, vous n’êtes en désaccord qu’au sujet de la religion, et c’est comme si vous vous querelliez pour la barbe de l’empereur ou quelque autre bagatelle. Ennemis au point de vue de la religion, vous êtes, quant au reste, bons amis, et, comme hommes, par exemple, égaux. Cependant ce reste lui-même diffère du tout au tout, et ce n’est que lorsque vous vous connaîtrez à fond, quand chacun de vous s’affirmera unique des pieds à la tête, que pourra cesser cette opposition que vous n’avez fait jusqu’à présent que dissimuler. Alors enfin l’antithèse sera résolue, mais pour cette seule raison qu’une plus forte l’aura absorbée.

Notre faiblesse n’est pas d’être opposés aux autres, mais bien de ne pas leur être radicalement opposés, c’est-à-dire de ne pas en être totalement distincts, ou encore de chercher un « trait d’union », un lien, et de faire de ce trait d’union notre idéal. Une Foi, un Dieu, une Idée, un seul chapeau pour toutes les têtes ! Si toutes les têtes étaient sous le même bonnet, personne, il est vrai, n’aurait plus à se découvrir devant les autres !

La dernière opposition et la plus radicale, celle de l’Unique à l’Unique, est au fond bien éloignée de ce qu’on entend par opposition, sans pour cela retomber dans l’unité et l’identité. En tant qu’Unique, tu n’as plus rien de commun avec personne, et par là même plus rien d’inconciliable ou d’hostile. Tu ne demandes plus contre lui ton droit à un tiers et ne te tiens plus avec lui sur le « terrain du droit » ni sur aucun autre terrain commun. L’opposition se résout en une séparation, en une unicité radicale.