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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/413

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car on a besoin d’air, c’est là un besoin dont on ne peut s’affranchir, et ainsi de suite. La religion, et en particulier le Christianisme, ayant torturé l’homme en exigeant de lui qu’il réalise le contre-nature et l’absurde, c’est par une conséquence naturelle de cette impulsion religieuse extravagante que l’on en vint à élever au rang d’idéal la liberté en soi, la liberté absolue, ce qui était étaler au plein jour l’absurdité des vœux impossibles.

L’association, procurant une plus grande somme de liberté, pourra être considérée comme « une nouvelle liberté » ; on y échappe, en effet, à la contrainte inséparable de la vie dans l’État ou la Société ; toutefois, les restrictions à la liberté et les obstacles à la volonté n’y manqueront pas, car le but de l’association n’est pas précisément la liberté, qu’elle sacrifie à l’individualité, mais cette individualité elle-même. Relativement à celle-ci, la différence est grande entre État et association. L’État est l’ennemi, le meurtrier de l’individu, l’association en est la fille et l’auxiliaire ; le premier est un Esprit, qui veut être adoré en esprit et en vérité, la seconde est mon œuvre, elle est née de Moi. L’État est le maître de mon esprit, il veut que je croie en lui et m’impose un credo, le credo de la légalité. Il exerce sur Moi une influence morale, il règne sur mon esprit, il proscrit mon Moi pour se substituer à lui comme mon vrai moi. Bref, l’État est sacré, et en face de moi, l’individu, il est le véritable homme, l’esprit, le fantôme. L’association au contraire est mon œuvre, ma créature ; elle n’est pas sacrée et n’est pas une puissance spirituelle supérieure à mon esprit.

Je ne veux pas être l’esclave de mes maximes, mais je veux qu’elles restent, sans aucune garantie, exposées sans cesse à ma critique ; je ne leur accorde aucun droit de cité chez moi. Mais j’entends encore moins engager mon avenir à l’association et lui « vendre mon âme », comme on dit quand il s’agit du diable