Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/456

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mon affaire et non une permission que je m’arroge. Il peut me plaire de vous laisser à vos pensées, et je me tairai. Croyez-vous que les pensées soient comme des oiseaux, et qu’elles voltigent si librement que chacun n’ait qu’à en saisir une pour pouvoir s’en prévaloir ensuite contre moi comme de sa propriété ? Tout ce qui vole est — à moi.

Croyez-vous avoir vos pensées pour vous et n’avoir à en répondre devant personne, ou. comme vous dites, n’avoir à en rendre compte qu’à Dieu ? Il n’en est rien ; vos pensées, grandes et petites, m’appartiennent et j’en use selon mon bon plaisir.

La pensée ne m’est propre que du moment que je ne me fais jamais aucun scrupule de la mettre en danger de mort et que je n’ai pas à redouter sa perte comme une perte pour moi, une déchéance. La pensée n’est à moi que du moment que c’est moi qui l’assujettis et que jamais elle ne peut me courber sous son joug, me fanatiser et faire de moi l’instrument de sa réalisation.

La liberté de penser existe dès que je puis avoir toutes les pensées possibles ; mais les pensées ne deviennent ma propriété qu’en perdant le pouvoir de devenir mes maîtres. Tant que la pensée est libre, ce sont les pensées (les Idées) qui règnent ; mais si je parviens à faire de ces dernières ma propriété, elles se conduisent comme mes créatures.

Si la Hiérarchie n’était pas aussi profondément enracinée dans le cœur de l’homme, au point de lui enlever tout courage de poursuivre des pensées libres, c’est-à-dire peut-être déplaisantes à Dieu, « liberté de penser » serait une expression aussi vide de sens que, par exemple, « liberté de digérer ».

Les gens appartenant à une confession sont d’avis que la pensée m’est donnée ; d’après les libres penseurs, je cherche la pensée. Pour les premiers, la vérité est déjà trouvée et existante, je n’ai qu’à en — accuser réception au donateur qui me fait la grâce de me