Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/100

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La fêlure se manifeste encore sous bien d’autres formes, il serait utile d’en montrer ici quelques-unes.

Par exemple le renoncement à soi-même est commun aux saints et aux impies, aux purs et aux impurs. L’impur nie les « sentiments supérieurs », il écarte toute pudeur, et même toute crainte naturelle et n’obéit qu’aux passions qui le dominent. Le pur nie les rapports naturels qui le lient au monde, « il nie le monde » et obéit seulement aux « aspirations » qui règnent en lui. Poussé par la soif de l’or, l’avare réduit au silence la voix de la conscience, il étouffe en lui tout sentiment d’honneur, toute douceur et toute compassion ; il écarte toute considération, la passion l’emporte. De même pour le saint ; il se fait la risée du monde, il est impitoyable et d’une justice stricte, sans considération pour rien, ses aspirations l’emportent. L’impie fait abnégation de soi-même devant Mammon, le Saint fait abnégation de soi devant Dieu et les lois divines. Nous commençons de notre temps à découvrir et à sentir chaque jour un peu plus l’impudence des Saints, nous les obligeons à se dévoiler chaque jour un peu plus et à se montrer dans leur nudité. L’effronterie et la stupidité des raison opposées aux « progrès des temps » n’ont-elles pas dépassé depuis longtemps toute mesure et toute attente. Mais il doit en être ainsi. Les négateurs d’eux-mêmes doivent suivre la même voie, qu’ils soient saints ou impies, et tandis que les uns par l’abnégation de soi s’enfoncent au fin fond de la grossièreté et de la bassesse, les autres s’élèvent à la plus dégradante des sublimités. Le Mammon terrestre et le Dieu du ciel exigent tous deux exactement le même degré d’abnégation. Cette bassesse et cette sublimité aspirent au même « bien », l’une au bien matériel,