Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/104

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mettre en mouvement. Les hommes ont cherché perpétuellement ce point d’appui, chacun l’a pris où il a pu. Ce point d’appui étranger est le monde de l’esprit, des idées, des pensées, concepts, êtres, etc. ; c’est le ciel. Le ciel est le « point d’appui » d’où la terre est mise en mouvement, d’où l’on voit — et l’on méprise, l’agitation terrestre. S’emparer du ciel, se saisir solidement et pour l’éternité du point d’appui céleste, pour cela que de luttes douloureuses et obstinées il a fallu !

Le christianisme a voulu nous libérer de la détermination naturelle, de l’impulsion des passions, il a voulu que l’homme ne se laissât pas déterminer par elles. Cela ne veut pas dire qu’il ne doive avoir aucune passion, mais que les passions ne doivent pas l’avoir, qu’elles ne doivent pas être fixes, invincibles, indissolubles. Maintenant, ce que le christianisme (la religion) a machiné contre la passion, ne pourrions-nous pas l’appliquer à sa prescription qui veut que l’esprit (pensées, représentations, idées, foi, etc.) nous détermine, ne pourrions-nous désirer aussi ne pas être déterminés par l’esprit, la représentation, l’idée, qu’ils ne soient plus ni fixes, ni inviolables, ni « sacrés ». On en viendrait alors à la dissolution de l’esprit, de toute pensée, de toute représentation. De même qu’on disait : certes nous devons avoir des passions, mais les passions ne doivent pas nous avoir, nous disons maintenant : certes nous devons avoir de l’esprit, mais l’esprit ne doit pas nous avoir. Si vous n’êtes pas encore convaincu de la justesse de cette proposition, réfléchissez que chez plus d’un, une pensée devient « maxime » dont il devient lui-même prisonnier, et ce n’est pas lui qui a la maxime mais la maxime qui l’a. Il retrouve dans la maxime « un point d’appui solide. » Les doctri-