Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/12

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tutions sociales étaient essentiellement profanes et recevaient seulement la consécration de l’Église, tandis que la Réforme, puis la Révolution leur reconnaissent un caractère sacré par elles-mêmes ; ce sont des choses saintes, dont l’idée sainte est soigneusement cultivée en nous. « Nos athées sont des gens pieux. » Quand la formule religieuse disparaît, nous sommes plus religieux que jamais. Car l’âme du chrétien vit dans l’au-delà. Or ces idées saintes sont des « au-delà ». Hier, tu faisais abnégation de toi dans ton effort pour réaliser la patrie céleste. Aujourd’hui tu fais abandon de ta personne pour réaliser la patrie terrestre. Le point de vue s’est simplement déplacé.

Droit, Justice, Patrie, Honneur, Humanité, etc., etc., c’est avec des fantômes qu’on tient les hommes. Car ce ne sont pas là des idées innées ; il faut au préalable l’éducation.

Un dressage incessant nous en pénétrera. C’est là la tâche que s’impose l’État et ce sera la première condition de son existence.

Existe-t-il un point réel où l’être réel que je suis puisse sans détriment pour sa personnalité s’harmoniser avec l’être idéal qu’on appelle l’État, sans que celui-ci, dont l’essence est la puissance absolue, voie son absolutisme en quelque façon réduit, c’est-à-dire aboli ? On a parlé d’un contrat. Pour que ce ne fût pas une fiction, il faudrait que l’État pût traiter avec tels individus qu’il lui convient, qu’il pût refuser toute convention avec les autres, et réciproquement que l’individu fût libre de rester en dehors des groupements artificiels qui constituent les sociétés ou les États. Or il est évident que l’individu n’est pas libre de refuser le contrat. Quand on parle du « contrat de travail » entre le travailleur prolétaire et le capitaliste détenteur des richesses, l’hypocrisie est moindre, parce que le prolétaire a du moins la liberté, en général, de refuser les conditions offertes — c’est le plus souvent la liberté du suicide. Tandis que, du fait qu’il existe, l’individu par son existence même est signataire du contrat social.

L’État ne connaît que des contractants, c’est-à-dire des citoyens. il ignore, il veut ignorer l’individu. Il se con-