Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/127

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Leur personne leur apparaît à eux-mêmes trop petite et trop insignifiante, — et c’est en effet la réalité, — pour pouvoir tirer tout à soi et s’imposer absolument comme but. Ce qui en est l’indice certain c’est qu’ils se partagent eux-mêmes en deux personnes, l’une éternelle, l’autre temporelle, et qu’ils ne songent qu’à une personne à la fois, le dimanche à l’éternelle, les jours de semaine à la temporelle ; ils prient pour l’une, ils travaillent pour l’autre. Ils portent en eux-mêmes le prêtre, ils n’en sont pas débarrassés et quand vient le dimanche, ils l’entendent qui sermonne dans leur for intérieur.

Que de luttes, que de calculs il fallut aux hommes pour arriver à la transaction de l’être dualistique. Les idées succédaient aux idées, les principes aux principes, les systèmes aux systèmes, rien ne pouvait empêcher la contradiction qui existe dans « l’homme temporel » ou dans le soi-disant « égoïste » d’apparaître. Ceci ne prouve-t-il pas que toutes ces idées étaient trop impuissantes pour accueillir en soi ma volonté entière et la satisfaire complétement. Elles m’étaient hostiles et le demeuraient quoique depuis longtemps cette hostilité fût voilée. En sera-t-il de même de l’individualité. N’est-elle pas aussi qu’une tentative de transaction ? Vers quelque principe que je me tournasse, la raison, par exemple, il fallait bien tôt ou tard m’en détourner. Car puis-je être toujours raisonnable et régler entièrement ma vie sur la raison ? Certes je puis tendre vers la raison, je puis l’aimer comme on aime Dieu ou tout autre idée. Je puis être philosophe, avoir l’amour de la vérité comme j’ai celui de Dieu. Mais ce que j’aime, vers quoi j’aspire, n’existe que dans mon idée, dans ma connaissance, dans ma pensée ; c’est dans