Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/143

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déclarant indifférentes les attaques de la nature et en ne se laissant affecter par rien. Horace, par son fameux Nil admirari, manifeste que tout ce qui est autre que le moi, le monde qui lui est extérieur, est chose indifférente et ne doit pas agir sur nous ni exciter notre étonnement. Et cet impavidum ferient ruinæ exprime la même intrépidité que le psaume 46, 3 : « Quand le monde disparaîtrait, nous n’aurions pas peur. » En somme le champ est préparé pour la doctrine que le monde est vain, pour le mépris chrétien du monde.

L’esprit inébranlable « du sage » avec lequel le vieux monde travaillait à sa conclusion, éprouva alors un ébranlement intérieur contre lequel aucune ataraxie, aucun courage stoïque ne le pouvait défendre. L’esprit, assuré contre toute influence du monde, insensible à ses coups, supérieur à ses attaques, ne s’étonnant de rien, immuable dans sa conception au milieu des bouleversements du monde, infatigablement apparaissait à la surface couverts d’écume parce qu’intérieurement à lui des gaz (esprits, spiritus) se développaient, l’impulsion mécanique venue du dehors étant devenue inefficace, les tensions chimiques qui s’agitaient intérieurement commencèrent leur jeu merveilleux.

En fait l’histoire des temps antiques se clôt sur ce fait que j’ai atteint ma propriété dans le monde. « Toutes les choses me sont données par Mon Père », Matth. II, 27. Le monde a cessé vis-à-vis de moi d’être supérieur en puissance, inaccessible, sacré, divin, il a perdu son caractère céleste et je le traite suivant mon bon plaisir, au point qu’il dépendrait absolument de moi d’exercer sur lui tous mes pouvoirs miraculeux, c’est-à-dire la puissance de mon esprit ; déplacer des montagnes, ordonner aux mûriers de s’arracher eux-mêmes