Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/16

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citoyen — dont il était la propriété et qui était directement intéressé à sa conservation —, mais il n’avait pas l’honneur onéreux de l’impôt et du service militaire, qui incombaient exclusivement aux participants de l’État, aux citoyens. Le service militaire, dans l’antiquité grecque comme chez les Romains, fut un véritable impôt foncier. Seul l’homme libre — celui qui avait une propriété ou du moins recevait de l’État sa subsistance — avait le droit et l’obligation de porter les armes. L’héroïsme antique s’éleva à une hauteur que les temps modernes contemplent sans espoir d’y atteindre. Cependant il avait une base matérielle. Ces hommes avaient conscience qu’ils défendaient leur liberté, c’est-à-dire leurs propriétés individuelles, leurs biens territoriaux. L’appât d’un accroissement territorial — pour chaque citoyen — était un des éléments de l’amour de la patrie. Et nous voyons constamment des partages de terres — entre les guerriers — suivre les guerres de conquêtes. On n’employait pas les esclaves comme combattants, mais les rares fois où Sparte et Athènes eurent recours à cet expédient, elles leur donnèrent la liberté, en d’autres termes, la propriété. Les Hilotes qui combattirent en Chalcidie sous les ordres de Brasidas furent à leur retour déclarés libres et dotés de terres en Laconie. Les esclaves athéniens qui prirent part au combat naval des Arginuses devinrent propriétaires en Attique.

Au siècle dernier, la Révolution voulut faire aussi des hommes libres, c’est-à-dire des propriétaires. La réforme agraire devait être la conséquence immédiate de la Déclaration des Droits. Ces « cordonniers », dont parlaient avec mépris les émigrés, eurent l’illusion qu’ils étaient propriétaires. Pour eux, la Patrie et la Constitution s’identifiaient. C’est que Constitution signifiait : partage des biens nationaux. Le soldat des armées de Sambre-et-Meuse avait la même fierté que le citoyen antique, parce qu’il défendait ou croyait défendre sa part du sol. Napoléon eut aussi un sentiment très net des éléments intégrants de la valeur du soldat. On lui a reproché d’avoir fait appel aux instincts de lucre et de s’être conduit comme chef de bande quand il montrait à ses soldats l’Italie ou l’Égypte comme