Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/167

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Certes il est indéniable que mon père m’a créé ; mais maintenant que je suis créé, peu m’importent les intentions qu’il avait en me créant, et à quoi il pouvait bien me destiner ; je fais ce que je veux. Ainsi en France, au début de la Révolution, l’assemblée des États, dès sa convocation, eut le sentiment très juste qu’elle était indépendante de celui qui l’avait appelée. Elle existait et il eût été stupide de sa part de ne pas faire valoir son droit à l’existence, et de s’imaginer être encore sous la tutelle personnelle. Le mandataire n’a plus à se demander : que voulait le mandant lorsqu’il m’a créé ? mais : qu’est-ce que je veux maintenant que j’ai obéi à l’appel qu’on m’a fait ? Ni les mandants ou commettants, ni la charte en vertu de laquelle l’assemblée existe, rien n’est pour lui puissance sacrée et inviolable. Tout ce qui est en sa puissance lui est permis ; il ne connaît aucun pouvoir restrictif du sien, il ne veut pas être loyal. Cela donnerait, si l’on pouvait attendre d’une Chambre quelque chose de semblable, une Chambre absolument égoïste, délivrée de tout cordon ombilical et sans considération pour rien. Mais les chambres conservent encore le respect, aussi ne faut-il pas s’étonner de leur « égoïsme » si mitigé, si indécis, si hypocrite.

Les membres d’une classe doivent rester dans les limites qui leur sont assignées par la Charte, par la volonté du roi, etc. S’ils ne le veulent ni ne le peuvent, ils doivent sortir de la Société qui les a accueillis. Quel homme fidèle au devoir pourrait agir autrement et oserait s’imposer comme primant tout sa propre conviction, sa volonté ? Qui pourrait être assez immoral pour faire valoir sa personnalité quand il devrait s’ensuivre la ruine de la corporation et de tout ? Chacun