Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/218

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dans ces royaumes, auxquels il croit appartenir bien qu’il se soustraie à leurs lois, il est un « égoïste » et un « pécheur ». Mais aussi, il ne peut se soustraire à leur souveraineté qu’en devenant criminel envers elles.

Voilà donc le résultat de tout ceci : le combat des penseurs contre le gouvernement est dans le droit, c’est-à-dire dans la force tant qu’il est mené contre les pensées de ce gouvernement (le gouvernement reste muet, a la lettre, et ne trouve aucun argument d’importance à leur opposer) ; au contraire, il se trouve en pleine injustice ou impuissance tant qu’il se borne à conduire des pensées à l’assaut d’un pouvoir personnel. (La puissance égoïste ferme la bouche aux penseurs.) Le combat théorique ne peut pas achever la victoire et la puissance sacrée de la pensée succombe sous la force de l’égoïsme. Le combat égoïste seul, le combat des égoïstes des deux camps tire tout au clair.

Maintenant, ce dernier point qui consiste à rabaisser la pensée même à une affaire de bon plaisir égoïste, à une affaire individuelle, à un pur passe-temps, à une fantaisie, à lui enlever l’importance qui en fait la « puissance qui décide en dernier ressort », cet avilissement, cette déconsécration de la pensée, ce rabaissement du moi qui pense au niveau du moi qui ne pense pas, cette grossière mais réelle « égalité », la critique ne peut l’établir parce qu’elle n’est elle-même qu’une prêtresse de la pensée et ne voit rien par delà la pensée que le déluge.

La critique affirme par exemple que, critique libre, elle doit vaincre l’État, mais elle se défend en même temps contre le reproche qui lui est fait par le gouvernement de l’État de n’être qu’ « arbitraire et impu-