Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/266

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droit et en puissance à l’encontre de moi ; mais moi, je tremblerai devant leur droit et devant leur force, anéanti par la « crainte de Dieu », j’observerai leurs commandements et je croirai agir suivant le droit en agissant suivant leur droit, comme les sentinelles de Sibérie qui se croient justifiées de tuer les forçats qui s’enfuient, puisqu’ils tuent sur ordre « de l’autorité supérieure », c’est à dire à bon droit. Mais moi, je suis par moi-même autorisé au meurtre quand je ne me le défends pas à moi-même, quand moi-même je ne redoute pas le meurtre comme un « non-droit ». Cette conception est l’idée fondamentale du poème de Chamisso « das Mordthal » où le vieil indien meurtrier contraint au respect le blanc dont il a tué les frères. Les seules choses que je n’ai pas le droit de faire sont celles que je ne fais pas d’un esprit libre, c’est-à-dire que je n’ai pas droit aux choses auxquelles je ne me donne pas droit.

Je décide si en moi c’est le droit ; hors de moi, il n’y a pas de droit. Si c’est juste pour moi, c’est juste. Il est possible, pour cette raison, que ce ne soit pas juste pour les autres ; c’est leur affaire et non la mienne : qu’ils se défendent. Et si quelque chose n’étant pas le droit pour le reste du monde, l’était pour moi, c’est-à-dire si je le voulais ainsi, je n’irais pas interroger le monde. Ainsi agit quiconque sait s’estimer, ainsi agit chacun dans la mesure où il est égoïste, car la force passe avant le droit — et cela de plein droit.

Étant « de nature » un homme, j’ai un droit égal à la jouissance de tous les biens, dit Babœuf. Ne devait-il pas dire aussi : étant de nature un prince aîné, j’ai droit au trône ? Les droits de l’homme et « les droits acquis » ont la même chose en vue, la nature, c’est-à-dire la naissance (et plus tard l’héritage, etc.) qui me