Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/317

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et cela fait-il pour moi une différence de me voir dépendant de l’opinion du prince ou de l’opinion du peuple, de ce qu’on appelle « l’opinion publique ? » Si dépendance a la même signification que « rapport religieux », comme E. Bauer l’établit justement, le peuple reste pour moi dans l’État populaire, le pouvoir suprême, la « majesté » (car Dieu et prince ont dans la majesté leur essence propre) avec laquelle je suis en « rapport religieux ». De même que le prince souverain, le peuple souverain ne pourrait être non plus atteint par aucune loi. Toute la tentative de E. Bauer se ramène donc à un changement de maître. Au lieu de vouloir faire le peuple libre, il aurait dû songer à la seule liberté réalisable, la sienne.

Dans l’État constitutionnel, l’absolutisme est enfin venu en lutte avec lui-même, car il est tiraillé par deux alternatives : le gouvernement veut être absolu, le peuple aussi. Ces deux absolus en contact constant s’useront l’un l’autre.

E. Bauer s’indigne que ce soit la naissance, le hasard qui fasse le prince. Mais si maintenant « le peuple est devenu la seule puissance de l’État » (p. 132) n’avons-nous pas là encore un seigneur de hasard ? Qu’est-ce donc que le peuple ? Le peuple n’a jamais été que le corps du gouvernement : c’est un grand nombre de têtes sous le même chapeau (un chapeau de prince) ou bien un grand nombre sous une constitution unique. Et la constitution, c’est le prince. Prince et peuple subsisteront tant qu’ils ne tomberont pas tous deux ensemble. S’il existe sous une seule constitution toutes sortes de « peuples », par exemple dans la vieille monarchie persane, ces « peuples » n’ont de valeur que comme « provinces ». Pour moi, en tout