Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/368

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abolissent la misère ! Sauf qu’on en pourrait trouver parmi vous tout au plus un agissant ainsi, et que cet un-là serait un fou, demandez-vous donc pourquoi les riches doivent y laisser leurs plumes et se sacrifier, quand le plus clair du profit revient aux pauvres. Toi qui as tous les jours ton thaler, tu es riche relativement à des milliers qui vivent de quatre groschen. Est-il de ton intérêt de partager avec ces milliers, n’est-ce pas plutôt le leur ?

Avec la concurrence, on a bien moins en vue de faire la chose le mieux possible que d’en tirer tout le profit possible. On étudie, par suite, en vue d’un emploi, on apprend à plier l’échine et à dire des flatteries, on apprend la routine et « la connaissance des affaires », on travaille « pour la montre ». Tandis qu’en apparence on ne semble chercher qu’à faire « un bon travail », on ne poursuit en réalité qu’« une bonne affaire », un gain d’argent. On accomplit la chose soi-disant pour la chose elle-même, mais, en fait, à cause du gain qu’elle rapporte. On voudrait bien ne pas faire partie de la censure, mais on veut de l’avancement ; on voudrait diriger, administrer, etc., suivant ses convictions, mais on craint d’être déplacé ou destitué et il faut pourtant vivre avant tout.

Ainsi tout cela n’est qu’une lutte pour se faire la vie douce, pour acquérir graduellement un certain bien-être.

Et cependant, à la plupart, tous leurs efforts, tous leurs soins ne rapportent que la « vie amère » et l’« âpre misère ». Tel est le fruit de leur persévérance acharnée !

La poursuite incessante du bonheur ne nous laisse pas le temps de respirer et d’arriver à une jouissance