Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/405

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moral. Comme étant mon sentiment, il est mien, mais pris comme un principe auquel je dois consacrer et assermenter mon âme, l’amour est impératif et divin de même que la haine comme principe est diabolique : l’un ne vaut pas mieux que l’autre. Bref l’amour égoïste, c’est-à-dire mon amour n’est ni saint, ni profane, ni divin, ni diabolique.

« Un amour qui est borné par la foi n’est pas un véritable amour. La seule limite qui ne contredise pas l’essence de l’amour, est celle qu’il s’impose à lui-même par la raison et l’intelligence. L’amour qui méprise la sévérité, la loi de l’intelligence, est en théorie un faux amour, en pratique une passion pernicieuse[1] ». Ainsi dans son essence, l’amour est raisonnable ! Ainsi pense Feuerbach ; le croyant dit de son côté : l’amour est croyant par essence. Celui-là déploie son zèle contre l’amour déraisonnable ; celui-ci contre l’amour incrédule. Pour tous deux, il n’est tout au plus qu’un splendidum vitium, car ne laissent-ils pas tous deux subsister l’amour sous forme de déraison et d’incroyance. Ils n’osent pas dire : l’amour déraisonnable ou incrédule est un non-sens, ce n’est pas de l’amour, pas plus qu’ils ne peuvent dire : des larmes déraisonnables ou incrédules ne sont pas des larmes. Mais si l’amour déraisonnable et incrédule doit passer pour amour et s’il est indigne de l’homme, il s’ensuit simplement ceci, que c’est la raison, la foi qui est la chose suprême et non l’amour ; l’homme déraisonnable et incroyant peut aussi aimer, mais l’amour n’a de prix que si c’est celui d’un homme raisonnable ou croyant. C’est une illusion de dire avec Feuerbach que la raison est « la limite que s’impose l’amour ». Le

  1. Feuerbach, Wesen des Christenthums, 394.