Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/416

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morale la vieille question du « mensonge nécessaire ». Quiconque ose employer ce mot doit, s’il est conséquent, accepter aussi « le serment nécessaire ». Si je justifie mon mensonge comme un mensonge nécessaire, je ne dois pas être assez timoré pour priver le mensonge autorisé de son affirmation la plus forte. Quoi que je fasse, pourquoi ne puis-je accomplir mon acte entièrement et sans réserve mentale (reservatio mentalis) ? Si je mens, pourquoi ne pas mentir complètement, en pleine conscience et en toute force ? Comme espion, je dois jurer à l’ennemi autant de fois qu’il le désire chacune de mes fausses assertions, car résolu à mentir irai-je soudain m’arrêter, lâche et irrésolu, en face du serment ? Car alors je me perds par avance en mettant ainsi volontairement aux mains de l’ennemi le moyen de me prendre. Aussi l’État redoute le serment obligatoire et n’y laisse pas venir l’accusé. Mais vous ne justifiez pas la crainte de l’État ; vous mentez, mais vous ne prêtez pas de faux serments. Avez-vous fait par exemple un bienfait à quelqu’un avec l’intention de le lui cacher, je suppose qu’il s’en doute et vous l’attribue : vous niez, il s’entête, vous lui dites : « non en vérité ! » Mais si la chose allait jusqu’au serment, vous broncheriez, car toujours vous êtes arrêtés en route par la terreur de la chose sacrée. Contre le Saint, vous n’avez aucune volonté propre. Vous mentez avec mesure, comme vous êtes libres « avec mesure », religieux « avec mesure » (les cléricaux ne peuvent pas arriver à saisir pourquoi l’Université mène sur ce point la campagne la plus sotte qui soit contre l’Église) royalistes « avec mesure » (vous voulez une Monarchie limitée par la Constitution, par des lois organiques), tout bien tempéré, tiède et flasque, moitié Dieu, moitié diable.