Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/47

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imposer » et répandent cette doctrine de lumière : « Éprouve sur tout objet ton intelligence, ta sagacité, ton esprit ; une bonne intelligence bien exercée est un excellent viatique pour traverser le monde, elle nous prépare la meilleure des destinées, la vie la plus agréable. » Ils reconnaissent ainsi dans l’esprit l’arme véritable de l’homme contre le monde. Voilà pourquoi ils tiennent tant à l’habileté dialectique, à la facilité d’élocution, à l’art de la discussion, etc. Ils annoncent que l’esprit doit être employé contre tout, mais ils sont loin encore de la sainteté de l’esprit, car il n’est pour eux que moyen, il ne vaut que comme arme, comme pour les enfants, la ruse et l’audace : leur esprit est l’incorruptible intelligence.

Aujourd’hui on appellerait cela l’éducation exclusive de l’intelligence et on y ajouterait cet avertissement : ne formez pas seulement votre intelligence mais aussi votre cœur. C’est ce que fit Socrate. Si le cœur n’était pas affranchi de ses instincts naturels, s’il demeurait rempli des éléments les plus divers qu’y jette le hasard, s’il n’était que convoitise, échappait à toute critique, entièrement au pouvoir des choses, s’il n’était que le réceptacle de toutes les fantaisies, il ne pouvait manquer que la libre intelligence servît « le mauvais cœur » et fût prête à justifier tous ses désirs.

C’est pourquoi, dit Socrate, il ne suffit pas d’employer son intelligence à toute chose, mais il importe pour quelle cause on la met en œuvre. Nous dirions aujourd’hui : « on doit servir la bonne cause. » Mais servir la bonne cause, c’est être moral. Par suite Socrate est le fondateur de l’éthique.

D’ailleurs le principe de la sophistique conduisait nécessairement à ceci que l’homme le plus servilement