Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/482

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à son Dieu que les faux dieux. Tout ce qui se fait par amour pour cet être peut-il être autre chose qu’une œuvre d’amour ? Moi au contraire quand je critique, je n’ai même pas mon moi devant les yeux, je me borne à me faire plaisir, à m’amuser suivant mon goût ; je remâche la chose autant que j’en ai besoin, ou j’en prends seulement le parfum.

La différence des deux positions s’établit d’une façon plus précise si l’on considère que le critique « tributaire », parce qu’il est conduit par l’amour, croit servir la cause elle-même.

On ne veut pas abandonner, bien au contraire, on veut chercher la vérité, « la vérité en général ». Qu’est-elle sinon l’Être suprême ? Aussi la « vraie critique » devrait désespérer si elle perdait la foi à la vérité. Et cependant la vérité n’est qu’une pensée, non seulement une, mais la pensée, qui est au-dessus de toutes les pensées, l’indestructible, la pensée même qui seule sanctifie toutes les autres, elle en est la consécration ; elle est la pensée « absolue », « sacrée ». La vérité dure plus que tous les Dieux, car c’est seulement pour la servir et par amour d’elle que l’on a renversé les Dieux et enfin Dieu lui-même. La vérité survit à la disparition du monde des Dieux, car elle est l’âme immortelle de ce monde périssable de Dieux ; elle est la divinité même.

Je veux répondre à la question de Ponce-Pilate : qu’est-ce que la vérité ? La vérité est la libre-pensée, l’idée libre, le libre esprit ; la vérité est ce qui est libre de toi, ce qui n’est pas ta propriété, ce qui n’est pas en ton pouvoir. Mais elle est aussi ce qui est complètement dépourvu de caractère de personnalité, de réalité, de corporalité ; la vérité ne peut apparaître comme tu