Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/69

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cher à l’autre ? Quelle atteinte à la foi divine elle-même que cet anéantissement de la foi aux esprits et aux fantômes ! Les Romantiques le sentirent si bien et cherchèrent à en prévenir les suites funestes en évoquant de nouveau le monde des fables et en faisant pressentir un « monde supérieur » par leurs somnambules, leurs « voyantes de Prévorst »[1], etc. Les bons croyants et les Pères de l’Église ne se doutaient pas qu’en détruisant la croyance aux fantômes ils enlevaient sa base à la religion et la laissaient suspendue en l’air. Celui qui ne croit plus aux fantômes n’a qu’à être conséquent et à pousser plus avant dans son incroyance pour voir qu’il ne se cache aucun être particulier derrière les choses, aucun fantôme, ou, ce qui revient au même, en prenant le mot dans son acception naïve, « aucun esprit…… »

« Il existe des esprits. » Jette les yeux autour de toi et dis-moi si dans toutes les choses qui t’environnent il n’y a pas des esprits qui te regardent. Dans la fleur, la petite et douce fleur, l’Esprit du Créateur qui a fait cette merveille est là qui te parle ; les étoiles annoncent l’esprit qui les as ordonnées ; du sommet des montagnes souffle un esprit de sublimité ; un esprit d’aspiration éternelle murmure dans l’écoulement des sources, et — ce sont des milliers d’esprits qui parlent dans l’homme. Les montagnes peuvent s’abîmer, les fleurs se faner, le monde des étoiles s’écrouler, les hommes mourir — qu’importe la disparition du corps visible ! L’esprit, « l’invisible » demeure éternel.

  1. Cette voyante fut vers 1835 une célébrité magnétique. Le doux et mystique poète Kerner la connut et fut troublé de ces faits mystérieux que l’on n’expliquait pas encore. Il écrivit alors son roman étrange : « La voyante de Prévorst ».

    Il l’avait recueillie chez lui, et ce fut quelque temps la mode d’aller entendre chez Kerner, les inspirations de la voyante. (H.L.)