Page:Strabon - Géographie, trad., Tardieu, tome I, livres I à VI, 1867.djvu/112

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et extérieure, comme il est arrivé pour le détroit des Colonnes d'Hercule. Nous avons bien déjà, au début de notre livre, touché quelques mots des phénomènes de ce genre, mais il convient de réunir le tout ensemble pour que les esprits fortifiés ainsi contre le doute croient dorénavant à certaines œuvres de la nature et aux changements de toute sorte que celle-ci opère à la surface du globe.

18. Si ce qu'on dit est vrai, le Pirée, dans le principe, aurait été aussi une île, et de cette situation par-delà le rivage (πέραν τῆς ἀκτῆς) lui serait venu le nom qu'il porte encore. Leucade, au contraire, qui formait primitivement une presqu'île, un promontoire, ne serait devenue une île que parce que les Corinthiens coupèrent l'isthme dudit promontoire : on prétend, en effet, que c'est Leucade que désignent ces paroles de Laërte, :

« Tel que j'étais, quand j'escaladai les forts remparts de NÉRITE, promontoire d'Épire [autrement dit de terre ferme[1]].»

Il y a donc eu ici une coupure pratiquée de main d'homme, c'est-à-dire l'inverse de ce que la main de l'homme a fait ailleurs, en élevant des môles ou en jetant des ponts comme celui qui relie aujourd'hui au continent l'île située en avant de Syracuse, et qui a remplacé l'ancien môle, dont parle Ibycus, fait de cailloux ramassés au hasard, ou d'eclectes, pour nous servir de l'expression même du poète. Ou cite encore le fait de ces deux villes, Bura et Hélicé, qui disparurent un jour en s'abîmant l'une dans les entrailles de la terre, et l'autre au sein des flots, et, par opposition, cet autre fait survenu dans le voisinage de Méthone, au fond du golfe Hermionique, d'une montagne de sept stades de hauteur[2], qui surgit brusquement à la suite d'une éruption ignée : inaccessible tout le jour à cause de son extrême chaleur et de l'odeur de soufre qu'elle exhalait, elle répandait, au contraire, la nuit, une odeur agréable[3], et, avec de vives

  1. Hom., Odyssée, XXIV, 376.
  2. Voy. C. Müller : Index variae lectionis, p. 944, col. 2, 1. 3.
  3. Εὐῶδης. Ce mot a été retranché du texte de Strabon par Coray et M. Meineke; et à juste titre, suivant M. Müller.