INTRODUCTION
LES CONDITIONS SOCIALES DES LETTRES RUSSES CONTEMPORAINES
On parle souvent des « brumeuses » littératures du nord ; cette épithète s’est aussi attachée à la littérature russe. On s’excuse de ne pas la comprendre, en insinuant qu’elle est essentiellement obscure, qu’elle évoque des images flottantes et incertaines, aux contours diffus, qu’elle pose des problèmes de conscience bizarres, enchevêtrés, inutiles.
Pourtant la littérature russe est vivante, préoccupée de questions réelles, scrupuleusement soucieuse de l’exactitude. Elle peut sembler fruste, par la crainte qu’ont les auteurs de trop déterminer quelque trait de la vie sociale ou d’un caractère individuel : ils savent que cette vie et ces caractères sont en voie de formation. L’ordre social, en Russie, ne suit pas une routine ancienne, évoluant avec lenteur dans une direction qui lui aurait été imprimée depuis des siècles ; il tend à se préciser, à se fixer ; il cherche à se constituer.
Tout est complexe et inquiétant, dans ce vaste pays. Mal définie, la situation du paysan : après son long servage, on l’avait idéalisé, puis ensuite dénigré parce qu’il
