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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/139

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sien. Rêveur et sentimental, il s’astreignit aux pires besognes du petit journalisme. Il réussit à sauvegarder, dans cette vie de hasard et d’expédients, toute sa dignité d’homme, toute sa fierté d’artiste. Sa misère fut tempérée de quelques accalmies. Il écrivit des ouvrages sur la chiromancie qui lui rapportèrent un peu d’argent, puis il trouva une place chez Bing et alla organiser des expositions d’art français à Christiania. Au cours d’un de ses voyages, il épousa celle qui devait enfin lui faire connaître le bonheur. Mais une fatalité inexorable semble poursuivre certains poètes dont l’idéal s’est trop mal accommodé de la vie. On sait que notre pauvre Édouard Dubus mourut à l’hôpital au moment même où un héritage inattendu lui eût peut-être permis de réparer, par un traitement long et coûteux, les ravages qu’avait commis en lui une funeste passion. Julien Leclercq mourut de même quelques jours avant d’avoir réalisé son rêve. M. Thiébault-Sisson s’imagine peut-être que ce bâilleur à la lune, ce hume-le-vent, ce brûleur de pavés, dès qu’il eut connu la paix de l’amour et les avantages de la fortune, s’acagnarda, les pieds aux chenets, dans les délices de l’oisiveté ? Non ! Notre ami, quoique se sachant condamné à une mort prochaine, s’occupa de fonder, grâce à la générosité de quelques étrangers, un journal destiné à