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Page:Stuart Merrill - Prose et vers (1925).pdf/182

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PIERRE QUILLARD

Pierre Quillard fut un de ces admirables poètes pour qui l’action ne cesse jamais d’être la sœur du rêve. Le bonheur qu’il avait éprouvé à contempler l’idéale beauté, il le voulait répandre parmi les hommes. Or, il savait fort bien que nulle beauté n’est accessible au grand nombre dans notre société moderne, où tout est soumis au caprice de l’individu et à la tyrannie de l’argent. Il rêva donc une société meilleure où, comme à Florence et dans Athènes, l’âme collective de la foule pût s’exprimer en toute liberté et en plein lyrisme et corroborer l’effort de l’élite. Il ne pouvait imaginer qu’on prétendît aimer la beauté et que l’on se détournât égoïstement des effroyables laideurs de notre temps. L’univers pour lui ne se bornait pas aux quatre murs de sa bibliothèque. Au point de vue spirituel il se donnait à tous et s’augmentait de ce don de lui-même. Sa vie ne fut-elle pas plus riche que celle du cuistre ou du pédant ? Ce n’était pas, pour lui, une marque d’aristocratie que de mépriser la foule. Au contraire, le véritable surhomme est celui qui donne