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non Adrien, mais Nératius Priscus, et qu’il ait même dit un jour, à celui-ci : « S’il m’arrive malheur, je vous recommande les provinces. » Beaucoup d’écrivains disent aussi qu’à l’exemple d’Alexandre de Macédoine, Trajan voulait mourir sans désigner son successeur ; d’autres, qu’il se proposait d’adresser au sénat un discours par lequel il aurait prié cette assemblée de donner elle-même, après lui, un chef à la république romaine, et de choisir le plus digne parmi ceux dont il lui eût alors envoyé les noms. Il en est enfin qui prétendent que l’adoption d’Adrien fut l’œuvre de la faction de Plotine, laquelle, aussitôt après la mort de Trajan, lui substitua un imposteur qui parla, d’une voix mourante, au nom de ce prince.

V.

Parvenu à l’empire et fidèle à l’ancien usage, Adrien s’occupa immédiatement d’entretenir la paix dans l’univers. Outre les nations qu’avait subjuguées Trajan et qui s’étaient retournées contre nous, les Maures ne cessaient de nous inquiéter, les Sarmates nous faisaient une guerre ouverte, la Bretagne avait secoué le joug, l’Égypte était troublée par des séditions, la Lycie et la Palestine étaient en pleine révolte. Aussi le nouvel empereur abandonna-t-il tout ce que nous possédions au delà de l’Euphrate et du Tigre : il disait imiter en cela Caton, qui avait accordé la liberté aux Macédoniens, parce qu’il ne pouvait les retenir sous la domination romaine. Voyant que Psamatossiris, à qui Trajan avait donné le trône des Parthes, n’avait pas sur eux une grande autorité, il le donna pour roi à des nations voisines.

Adrien montra d’abord tant de clémence, que Tatien lui ayant écrit, dès les premiers jours de son règne, pour l’engager à faire mourir le préfet de Rome, Bébius Macer, s’il refusait de le reconnaître, et Labérius Maximus, alors exilé comme suspect d’aspirer au trône, ainsi que Frugi Crassus, il ne prit contre eux aucune mesure rigoureuse. Mais Crassus ayant plus tard quitté l’île où il était exilé, le gouverneur de la province le fit mettre à mort sans les ordres du prince, comme ayant médité une révolution dans l’empire. Adrien doubla la gratification qu’il est d’usage de faire aux soldats, au commencement d’un règne. Il désarma Lusius Quiétus devenu suspect, et il lui retira le commandement des nations mauresques. Il chargea Martius Turbon, qui venait de vaincre les Juifs, d’apaiser les troubles de Mauritanie.

Ensuite il quitta Antioche, et il alla au devant des cendres de Trajan, que portaient Tatien, Plotine et Mattidie. Après les avoir reçues de leurs mains et placées sur le vaisseau qui devait les transporter à Rome, il retourna à Antioche, confia le gouvernement de la Syrie à Catilius Sévère, et revint lui-même à Rome par l’Illyrie.

VI.

Il demanda pour Trajan les honneurs divins, par des lettres très pressantes au sénat. C’était aller au devant de tous les vœux ; et les sénateurs décrétèrent d’eux-mêmes, en faveur de ce prince, plusieurs distinctions qu’Adrien n’avait pas demandées. Il s’excusa, dans ces lettres, de n’avoir pas attendu leur avis pour prendre en main le pouvoir, sur ce qu’il avait été immédiatement salué empereur par les soldats, qui avaient pensé que la république ne pouvait rester sans chef. Il refusa pour lui-même le triomphe que lui avait décerné le sénat, et qui