Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/339

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jeux. On remarqua, pendant son séjour en Achaïe, que, malgré l’usage qui autorisait un grand nombre de personnes à porter des couteaux dans les cérémonies religieuses, aucune de celles qui composaient la suite d’Adrien n’y parut armée. Il passa ensuite en Sicile, où il monta au sommet de l’Etna pour voir le lever du soleil, qui s’y montre, dit-on, sous les couleurs de l’arc-en-ciel. De là il vint à Rome, puis il passa en Afrique, et il en combla de bienfaits les provinces. Aucun prince n’a peut-être parcouru autant de pays avec la même célérité. Enfin, revenu de l’Afrique à Rome, il repartit aussitôt pour l’Orient, et passa par Athènes, où il fit la dédicace des monuments qu’il y avait commencés, tels qu’un temple à Jupiter Olympien et un autel élevé à lui-même. Dans son voyage en Asie, il consacra aussi plusieurs temples sous son propre nom. Il prit chez les Cappadociens des esclaves qu’il destinait au service des camps. Il offrit son amitié aux princes et aux rois de ces contrées. Il l’offrit aussi à Cosdroës, roi des Parthes, lui renvoya même sa fille, qui était tombée au pouvoir de Trajan, et promit de lui rendre le trône d’or qu’on lui avait pris. Quelques rois étant venus le trouver, il les traita de façon à donner du regret à ceux qui n’avaient pas voulu faire cette démarche, particulièrement à l’orgueilleux Pharasmane, qui avait méprisé son invitation. En visitant les provinces, il infligea des peines si sévères aux intendants et aux gouverneurs, en punition de leurs fautes, qu’il passa pour leur avoir suscité lui-même des accusateurs.

XIII.

Il concut tant de haine contre les habitants d’Antioche, qu’il voulut séparer la Syrie de la Phénicie, pour que cette ville ne fût plus appelée la métropole de tant d’autres. Les Juifs se soulevèrent aussi dans ce temps-là contre les Romains, parce qu’on les empêchait de se couper le prépuce. Adrien étant monté, une nuit, sur le mont Cassius, pour voir le lever du soleil, il survint un orage, et la foudre, pendant qu’il sacrifiait, tomba sur la victime et sur le victimaire. Après avoir parcouru l’Arabie, il s’arrêta à Péluse, où il fit élever à Pompée un magnifique tombeau.

Il perdit son cher Antinoüs en naviguant sur le Nil, et il pleura sa mort comme une femme. On parle diversement de cet Antinoüs : les uns prétendent qu’il s’était dévoué pour Adrien ; les autres, que sa beauté fut la seule cause de la passion insensée de l’empereur. Les Grecs, obéissant aux ordres d’Adrien, le mirent au rang des dieux, et assurèrent qu’il rendait des oracles, lesquels étaient, dit-on, composés par Adrien lui-même.

Ce prince avait, en effet, un goût très vif pour la poésie et pour les belles lettres ; il avait, en outre, de grandes connaissances en arithmétique, en géométrie et en peinture. L’art de la danse et du chant lui était aussi très familier. Il s’abandonnait trop à son penchant pour le plaisir. Il a fait pour ses mignons un assez grand nombre de vers : on a aussi de lui des poèmes érotiques. Il avait beaucoup d’habileté dans le maniement des armes, et de science dans les choses de la guerre. Il se livra même aux exercices des gladiateurs. Sévère et joyeux, plaisant et grave, pudique et dissolu, avare et libéral, dissimulé, clément, cruel, il fut toujours et en tout dissemblable à lui-même.

XIV.

Il enrichit ses amis, même ceux qui ne