Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/370

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pacifia l’Espagne, remuée par les Lusitaniens. Ayant fait venir sur les frontières son fils Commode, il le revêtit de la toge virile, donna un congiaire au peuple, et le désigna consul avant le temps.

XXIII.

Il n’aimait point à apprendre que le préfet de la ville avait proscrit quelqu’un. Il fut, dans ses libéralités, très ménager des deniers publics, ce qui mérite plus d’éloge que de blâme. Toutefois il fit des présents à des citoyens recommandables ; il secourut les villes menacées d’une ruine prochaine ; il remit les tributs ou les impôts, quand la nécessité l’exigeait. Il eut grand soin de pourvoir, pendant son absence, aux plaisirs du peuple romain, en ordonnant aux plus riches de donner des jeux. Le peuple s’était, en effet, écrié, en le voyant emmener les gladiateurs à la guerre, qu’il lui enlevait ses amusements, pour le contraindre à philosopher. Il voulut, dans l’intérêt du commerce, que, les jours ordinaires, on donnât plus tard le spectacle des pantomimes. Il n’était bruit dans Rome que de l’amour de sa femme pour ces histrions, comme nous l’avons déjà dit ; mais il détruisit ces soupçons dans ses lettres. Il défendit d’entrer à cheval ou en voiture dans les villes. Il abolit les bains communs aux deux sexes. Il mit un frein aux mœurs dissolues des femmes et des jeunes nobles. Il interdit au menu peuple de Péluse la célébration des fêtes de Sérapis. Le bruit courut que quelques citoyens opprimaient, sous le semblant de la philosophie, la république et les particuliers ; mais il les justifia de ces imputations.

XXIV.

C’était la coutume de Marc-Aurèle de diminuer pour tous les crimes les peines déterminées par les lois, quoiqu’il restât parfois inexorable aux prières de ceux qui avaient commis avec audace de graves délits. Il prenait lui-même connaissance des procès criminels intentés aux citoyens d’une famille distinguée ; et il y faisait preuve de tant d’équité qu’il reprochait vivement au préteur sa précipitation dans l’instruction des causes, et lui ordonnait de reprendre l’affaire, disant qu’il importait à sa dignité que les accusés fussent entendus de celui qui jugeait au nom du peuple. Il ne fut pas moins équitable à l’égard des prisonniers de guerre, et il en établit un nombre infini sur le territoire romain. Ses prières eurent le pouvoir de faire tomber la foudre sur les machines de guerre de ses ennemis, et obtinrent de la pluie pour son armée, qui mourait de soif. Il voulut faire une province de la Marcomanie ; il voulut aussi en faire une de la Sarmatie ; et il eût réalisé ce projet, si Avidius Cassius ne se fût révolté en Orient et n’y eût pris le titre d’empereur, de l’avis, dit-on, de l’impératrice Faustine, qui désespérait de la santé de son mari. D’autres disent que Cassius se fit nommer empereur après avoir fait courir le bruit de la mort de Marc-Aurèle, et l’avoir proclamé divin. La défection de Cassius émut peu Marc-Aurèle ; il n’exerça aucune rigueur contre ses amis ; et quand le sénat l’eut déclaré ennemi, il adjugea au trésor public ses biens confisqués.

XXV.

Abandonnant donc la guerre des Sarmates et des Marcomans, il marcha contre Cassius. Il y eut aussi quelques troubles dans Rome, où l’on craignait que celui-ci n’accourût en l’absence de l’empereur. Mais ce rebelle ne tarda pas à être mis à mort, et sa tête fut portée à Antonin.