Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/398

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cupide ; aussi fut-il souvent en butte aux railleries du peuple. Après avoir gouverné quatre provinces consulaires, il revint fort opulent à Rome, qu'il n'avait pas encore vue comme sénateur, ayant exercé son consulat loin de cette ville. A peine y fut-il arrivé, que Pérennis lui enjoignit de se retirer en Ligurie, dans le hameau où son père avait vendu du charbon. Pertinax s'y rendit, y acheta beaucoup de terres, et entoura d'une infinité d'édifices la boutique de son père, à laquelle il Jaissa la même forme qu'auparavant. Il demeura là trois années, trafiquant par ses esclaves. Pérennis mort, Commode rendit justice à Pertinax. Il lui écrivit, et lui ordonna de partir pour la Bretagne. Pertinax obéit, et parvint à y arrêter les mouvements séditieux des soldats, qui voulaient un autre empereur, quel qu'il fût, mais surtout Pertinax lui-même. Toutefois il fut alors soupçonné d'avoir insinué méchamment à Commode qu’Antistius Burrus et Arrius Antonin aspiraient au trône. Il étouffa donc en Bretagne des séditions dont il était lui-même le sujet; mais ce ne fut pas sans courir de grands dangers : il faillit périr dans la révolte d’une légion, et fut laissé pour mort sur la place. Mais il tira bientôt une vengeance terrible de cet attentat. Enfin il demanda son rappel, disant que sa fermeté pour le maintien de la discipline l'avait rendu odieux aux légions.

IV.

Ayant donc reçu un successeur, il fut chargé du soin des approvisionnements, puis du proconsulat de l'Afrique. Il eut, dit-on, à réprimer, dans ce gouvernement, plusieurs séditions excitées par les prophéties des prêtresses d'Uranie, Appelé à la préfecture de Rome, à la place de Fuscianus, magistrat sévère, il montra beaucoup de douceur et de bonté, et il se rendit fort agréable à Commode. Il reçut alors la confidence du projet formé par quelques mécontents, d'ôter la vie à ce prince. Lorsque Commode fut tué, Létus, préfet du prétoire, et le chambellan Électus, allèrent offrir l'empire à Pertinax, et le conduisirent au camp. Pertinax harangua les soldats, promitun donatif, et dit que Létus et Électus lui imposaient l'empire. Les conjurés, dans la crainte qu'on n’excitât contre eux le ressentiment des troupes, répandirent le bruit que Commode était mort de maladie. Pertinax ne fut d'abord salué empereur que par un petit nombre de Romains. Cette élection eut lieu la veille des calendes de janvier : il avait alors plus de soixante ans. Du camp, il se rendit au sénat. C'était la nuit ; et le gardien ne s’y trouvant pas pour en ouvrir les portes, le nouvel empereur attendit dans le temple de la Concorde. Claude Pompéien, gendre de Marc-Aurèle, ne tarda pas à venir le trouver, et se répandit en regrets sur la mort de Commode. Pertinax l’exhorta aussitôt à prendre l'empire; mais Pompéien s'y refusa, voyant que Pertinax en était maître. Tous les magistrats, avec les consuls, s'étant rendus ensuite au sénat, Pertinax les y suivit, et fut proclamé empereur.

V.

Pertinax, après avoir entendu les consuls faire son éloge, et tout le sénat flétrir la mémoire de Commode, remercia cette assemblée, et