Page:Suétone - Les écrivains de l’Histoire Auguste, 1845.djvu/416

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apprit sa conduite, qu’il le déclara ennemi publie, et lui ft le cruel outrage d’abattre ses statues dans tout l’empire. Il lui en voulait surtout d’avoir placé la sienne parmi celles des parents et des alliés de Sévère, Il fit grâce aux habitants de la Palestine du châtiment qu’ils avaient encouru pour leur attachement à Niger. Il se réconcilia ensuite avec Plautien, qui rentra dans Rome comme en triomphe, et qui l’accompagna au Capitole ; ce qui ne l’empêcha pas d’être immolé plus tard à ses vengeances. Sévère donna la toge virile à Géta, le plus jeune de ses fils, et il maria l’aîné à la fille de Plautien. Ceux qui avaient traité ce dernier d’ennemi public furent exilés : telles sont les vicissitudes ordinaires à toutes les choses humaines[1]. Il désigna ensuite ses fils consuls, et il perdit son frère Géta. Avant de partir pour la guerre des Parthes, il donna au peuple un congiaire, et le spectacle d’un combat de gladiateurs. Cependant il fit périr, pour des crimes véritables ou supposés, un grand nombre de citoyens. La plupart furent condamnés pour de simples plaisanteries, quelques-uns pour leur silence, d’autres pour quelques jeux de mots, pour avoir dit, par exemple, « que l’empereur portait bien ses noms, et qu’il était vraiment Sévère, vraiment Pertinax[2]. »

XV.

C’était un bruit généralement répandu que ce prince voulait faire la guerre aux Parthes sans aucune nécessité, dans le seul : but d’acquérir de la gloire. Il embarque son armée à Brindes ; puis, ayant pris la voie de terre, il arriva en Syrie, et vit les Parthes se retirer devant lui, Il rentra ensuite en Syrie, et y continua ses préparatifs de guerre contre les Parthes. Cependant il poursuivait toujours, à l’instigation de Plautien, les restes du parti de Pescennius Niger, et avec un tel acharnement qu’il punit comme de secrets ennemis plusieurs de ses propres amis. Il en fit aussi périr un grand nombre, sous le prétexte qu’ils avaient consulté sur sa vie des Chaldéens ou des devins. Quiconque pouvait aspirer au trône lui paraissait suspect, parce que ses fils étaient encore des enfants, et c’était la raison dont lui semblaient se prévaloir ceux qui espéraient l’empire. Quand il avait commis quelques meurtres, il s’excusait sur son ignorance, et niait les avoir ordonnés. C’est re qu’il fit, par exemple, après la mort de Létus, comme nous l’apprend Marius Maximus. Sa sœur Lépitana, qui parlait à peine le latin, et dont il eut souvent occasion de rougir, étant venue le trouver, il donna le laticlave à son fils, la combla de présents, et la renvoya dans sa patrie avec ce jeune homme, qui mourut peu de temps après.

XVI.

Sévère entra, sur la fin de l’été, dans le pays des Parthes, s’avança jusqu’à Ctésiphon, en chassa le roi, et s’empara de cette ville au commencement de l’hiver, qui est, dans ces contrées, la saison la plus favorable pour la guerre. Mais ses soldats, obligés de vivre d’herbes et de racines, contractèrent de graves maladies; et la résistance qu’opposèrent les Parthes, jointe à la dyssenterie que le manque d’aliments avait mise dans l’armée, ne lui permit pas d’aller plus loin. Il s’obstina toutefois, s’empara de la capitale, mit le roi en fuite, tua un grand nombre d’ennemis,

  1. Réflexion textuellement empruntée à Térence.
  2. C’est-à-dire opiniâtre. Voy. Pertinax, ch. i, et plus haut, ch. 7.