Page:Suarès - Debussy, 1922.djvu/106

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foule des hommes n’entend à peu près rien : ils sifflent un refrain et ils sont persuadés qu’ils chantent : plus l’harmonie est riche, plus elle leur semble confuse. Rien ne sépare plus les hommes entre eux que leurs ressources sensibles ; mais l’amour-propre leur défend d’en convenir. Cet abîme fait le fond des querelles en art et même en poésie. Écoutez-moi ce triple sourd, qui tranche du bien et du mal en musique, au nom de Rome, du pape et de Minerve. Les uns sont sensibles à ce qui laisse la foule des autres sans la moindre sensation ; et comme ils n’y trouvent aucun agrément, ils s’indignent. On ne veut jamais être moins sensible que le voisin : il n’est pas d’offense plus secrète et plus cruelle qu’un divin plaisir, qu’on ne peut même pas soupçonner, loin qu’on le puisse prendre.