Page:Suarès - Images de la grandeur.djvu/121

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LE JUGEMENT DE LERNE

��Aior nor.

I. Le cor retentissait au loin; et le son éclatant disait le chant de la victoire. Le cor sonnait, comme le glaive brille; et, vers l'Occident, lac rêveur suspendu sur la large forêt, le ciel d'or se teignait de pourpre ma- gnifique.

Cependant Marsyas, le Roi de Lerne, assis dans la solitude et le désastre, contepplait sa ruine : Lerne détruite, le marécage labouré par la mort, et désormais sans voix, — la vermine étouffée, le rojaume noyé dans son propre lit de fanges, tous les esclaves ensevelis, et la force du dragon en miettes, leur défense. Malheureux comme un mort,

Au milieu du carnage, Marsyas le regardait et ne le voyait pas. Les cent têtes de l'Hydre faisaient un amas hideux de sang, de hurlemens figés dans les gueules agonisantes, et d'orbites videsf Marsyas, profondé- ment, réfléchissait sur l'hécatombe, et ne pouvait comprendre.

II. Il se disait : < Je sais comment Hercule t vaincu la bête, jusque Il invincible, ma gardienne et ma puissance : c'est qu'au lieu de trancher chaque téie une k une, il a pu, d'un seul coup irrésistible, séparer du tronc cette grappe de monstres, — par où, le long du cep, jusqu'à la cime des crimes, montait la sève des racines, grasses de meurtres. Et quand la grappe fut taillée, c'est alors qu'il coupa chaque tête, qu'il en piétina le raisin du talon, et foula la vendange, le terrible vigneron que je déteste. VoiU comme il a fait ma ruine; mais je ne puis savoir pourquoi : car il est juste. . •

III. A l'orce de la forêt profonde, et déji sombre, le bon Hercule sonna, plus éclatante encore, la fanfare du triomphe. Et sa massue, sur les

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