Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/100

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Les pierres qui pensent


Ce n’est pas assez des steppes dévastées où je m’avance ; ma route est pavée de silex brûlants. Je marche, parfois, sur un tapis d’épines, le sol est planté de graviers aigus, d’éclats en fers de lance ; et je vais sur des pierres incisives, qui me déchirent les pieds. Plus cruelles que les dents, ces pierres rendent le son de l’intelligence : c’est le pavé de la raison, qui mord la souffrance au passage ; il ne se contente pas de la porter, il faut qu’il la meurtrisse. Solide comme le grès, morne, insensible comme lui.