Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/130

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membré, vivant, par le milieu du cœur, tranché d’avec moi même.

Plus haut, François Talbot leva le front sur la mer. Je le vis alors chanceler et réprimer un grand sanglot. De tous les points de l’horizon, il semblait ramener à lui la mer, le ciel, la nuit, les nuages, comme on s’enveloppe d’un manteau ; et je crus reconnaître en lui la douleur qui veille sur un tombeau.

— Je ne veux plus vous interrompre, lui dis-je ; mais je vous écouterai comme l’écho timide. Une telle souffrance fait fuir les rondes enfantines de l’espoir. Je m’agenouille avec vous, sur l’autre bord de cette tombe.

Et il me répondit : — Douleur, douleur. Non pas la mienne, mais celle du coup qui fait offense à la nature : une grandeur écrasée, hélas, une beauté anéantie.