Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/192

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des hommes. Mais je ne me sentais pas encore perdu dans la solitude, comme depuis. Une tendresse sans bornes m’accompagnait alors, où que je fusse ; et sans que je la visse, je l’avais, partout à ma droite, chère présence. L’effroi de mon destin m’accompagne, maintenant. Bien plus que seul, je me sens étranger à moi-même. Je suis l’absent, d’une éternelle absence. Je ne suis plus seul : je suis l’ombre de celui qui est seul. Ainsi, je me suis tristement moi-même, tandis que je marche ; et c’est mon ombre qui m’accompagne.

Les lampes ne s’allument pas encore dans le village d’hiver… La lueur plus chaude des feux dans l’âtre brillait doucement, çà et là, aux vitres et sous les portes. Elle parlait des enfants qui rentrent de l’école, et qui mangent une