Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/194

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route, sinue, et s’étale comme du lait répandu.

Des chants, tout à coup, des chants proches et doux. À demi voix, des hommes et des femmes berçaient un air lent et triste. J’ai cru que des obsèques venaient vers moi. Je me suis arrêté un moment, pour attendre ces étranges funérailles. Car pourquoi pas ?

Mais le village d’hiver n’est pas un cimetière. Il ne m’a pas préparé de cortège, du moins ce soir. Quelques lanternes chinoises, au bout d’une canne, viennent à ma rencontre. Ils passent. Cinq ou six couples amoureux s’en vont sans hâte, qui sait où, aux sons d’un chant mélancolique. Ils s’éloignent : rouges et bleues, jaunes, noires, les lanternes disparaissent dans l’obscurité.

Ils ont passé. Le doux air triste bat