Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme une neige qui remonte ; et les torpilleurs filent dans la passe, ils fusent, obus géants, au ras de l’eau. Un profond silence enveloppe le départ nocturne ; la manœuvre semble plus sûre et plus rapide d’être sans bruit. Le grincement des chaînes, le cliquetis du fer et de l’acier s’étouffent amortis dans l’ouate de la neige. Sur les dalles du port, je n’ai vu personne. Entre les fins bateaux de guerre, fiévreux d’un pressentiment, j’en cherche un où je dois me rendre. Je vais de l’un à l’autre, sous la neige ; et dans ma hâte, je ne trouve pas. La peur d’être en retard me talonne ; personne pour me mettre sur le chemin. Je n’ai vu qu’un marin, la face cachée dans son suroît ; il m’a dit, brusquement : « Plus loin, plus loin ! » et il a disparu aussitôt. Enfin j’y suis, je pense : l’œil rouge d’un fanal, un autre