Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/231

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La terre a bu tout le sang de mon cœur. Ne me rappelle pas à la vie, si tu as pitié de moi. Hélas, je n’espérais pas qu’elle me quitte. Ce n’est pas assez d’un court sommeil, pour être délivré.

Le Samaritain. — Le grand sommeil vient à son heure. Pourquoi, pourquoi aller au devant, mon ami ? Je ne te laisserai pas dormir dans la poussière.

Le Mourant. — J’y suis enseveli, d’hier. Laisse-moi.

Le Samaritain. — Bois, ne refuse pas tes lèvres à l’eau salutaire. Abandonne-toi ; appuie ton front sur mon épaule.

Le Mourant. — Laisse-moi. Sais-tu si je n’aurais pas été trop heureux de disparaître tout de suite ? Sujet à la douleur et sujet à la mort, assujetti à l’une, enfin, j’eusse été affranchi de l’autre.

Le Samaritain. — Trop fort et trop