Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/83

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tomne, dans ces quartiers maçonnés comme des alvéoles. Toutes les rues en pente paraissaient descendre et tomber dans le fleuve. Sans se mêler, la foule des passants se croisait dans un sage désordre, suivant un rythme qu’on ne discernait pas d’abord : on les eût pris, trame et chaîne, pour les fils sans nombre, que la terre tisserande croise sur son colossal métier. Mais à la fin j’aperçus qu’à moins de s’agiter sur place, tous s’en allaient à la descente.

Pas un, ici, qui me fût connu. Vivais-je depuis vingt ans dans cette ville, sans avoir visité ces quartiers ? Je me le reprochais, tant ma fatigue accrue, maintenant, me gagnait l’âme, l’âme lourde à tomber. Ici, je craignais de reconnaître quelqu’un, et pourtant je l’eusse souhaité. J’étais dans cette foule, comme une seule voile