Page:Suarès - Tolstoï.djvu/11

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parle à la raison des hommes. Comme on ne l’eût pu convaincre en dehors d’elle, il s’assure qu’il la convaincra tôt ou tard en eux. Il ne fait pas grand fond sur ceux de son temps : il se détourne des hommes âgés ; il ne prétend rien sur ces pécheurs envieillis. Il recherche les jeunes gens, les âmes fraîches, les cœurs simples.

Tolstoï humilie de trop près ses voisins, ses parents, ses proches. Un homme si puissant est difficile à vivre : on ne peut l’accepter qu’en l’aimant. L’amour semble une servitude à des âmes trop petites. On croit garder son indépendance, en l’armant contre lui. On ne voit point que se débattre contre la tyrannie d’une force supérieure, ce n’est pas moins graviter dans son orbite. Sa vie est triste, dès qu’il la sépare de son Dieu et de son peuple. Elle ne lui serait, sans doute, pas supportable, sans la passion qui l’anime. Et enfin, sa plus belle récompense de s’être créé un monde, est qu’il y peut vivre.