Page:Suarès - Tolstoï.djvu/119

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inquiétude de ne point agir comme il faut par la pensée, confessent surtout la vanité de leur littérature. Et, il est vrai, que ce qu’ils écrivent, n’importe en rien ; mais il n’importerait pas davantage qu’ils fussent planteurs paresseux sous les tropiques, ou acrobates. Ils ne sont pas raisonnables, là-dessus, de s’en prendre à Descartes. L’action n’est point dans les formes de l’acte : elle dépend de la force de l’âme. Que les âmes soient capables d’agir, — voilà le point.

Où le mieux voir qu’en Tolstoï ? — Art, foi, ou religion ; peintures de la guerre et de la paix ; œuvres didactiques ou apostolat parmi les paysans en proie à la famine, — c’est toujours la même force qui agit. C’est toute celle d’un peuple. Toute la vie de la Russie est dans cette âme. Elle doute de soi ; elle cherche Dieu ; elle le découvre, et s’y consacre. Les états diffèrent, et c’est tout. L’action reste la même : Tolstoï a révélé la Russie à la Russie. Comme elle, à la poursuite du pain de vie, il est allé quérir, sans pouvoir le rencontrer, ce grain inestimable sur l’aire, où les autres races ont battu leur blé, — et il ne l’a trouvé qu’en rentrant en soi.