Page:Suarès - Tolstoï.djvu/13

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crucifié ; et n’a vécu qu’en lui ressuscité, — je dis ceux qui l’ont cru dérobé au ciel, le troisième jour. Pour ceux-ci, l’idéal et la vie se pénétraient continûment. Passionnés pour le ciel, ils ne quittaient jamais la terre : leur volonté mystique et leurs combats réels ne faisaient qu’un. C’est pourquoi Jésus ne pouvait être le Christ et le Messie que dans cette race-là ; et il fallait qu’il fût le Dieu des Juifs avant d’être celui du monde. Plus tard, on l’a fait métaphysicien chez les Grecs ; César éternel à Rome ; enfin, prêcheur du libre droit de la conscience chez les Saxons. Mais s’il était possible d’imaginer Jésus chez les Grecs, esclave athénien, il serait peut-être une façon d’Épicure ; esclave romain, un stoïque à la manière d’Épictète. Or, Tolstoï, pour évangéliste qu’il soit, ne peut s’empêcher d’avoir du grec et du romain, comme tous les modernes. Quoi qu’il fasse, il connaît l’immense ressort de l’État et de la Science. Quoi qu’il veuille, il ne ressuscite le Messie d’un peuple d’enfants violents et passionnés, que dans le monde moderne, qui est romain par la forme, et grec par la pensée. De là, que le ciel de Tolstoï paraît si loin. Il a beau le montrer dans la volonté affran-