Page:Suarès - Tolstoï.djvu/31

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par la pensée, et de la pensée au cœur. L’émotion qu’il donne est universelle, — parce qu’il s’adresse à l’esprit par la voie des sentiments. Son privilège est de rendre clair à l’intelligence, ce qui est senti par la pitié, la haine et l’amour. Tout ce qu’on découvre, à la longue, dans le grand artiste, importe beaucoup moins que ce qui est impliqué, du premier coup, dans son œuvre, par l’émotion qu’elle donne. La pensée du poète peut prêter à une multitude de gloses et de commentaires. Ce qu’elle a d’essentiel est universel, est humain, — et, par là gagnant le cœur, s’établit dans tous les hommes : la condition unique est qu’ils ne soient pas trop inégaux à l’artiste, en sensibilité. Il est donc vrai qu’un art sans clarté, sans voie directe au cœur, n’est pas viable et n’a pas de beauté. Un art inhumain est absurde, comme un art qui nie la beauté. L’utilité suprême de l’âme ne peut être méconnue : elle veut s’élever au-dessus d’elle-même. L’Art est le moyen qui l’y aide, et par là une sorte de religion. L’œuvre d’Art est une prière. L’enfant voit tout son monde dans le « Notre Père », qu’il récite avec ferveur : dans son œuvre, le véritable artiste met tout le sien. La simplicité est ce qu’il