Page:Suarès - Tolstoï.djvu/8

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comme Napoléon, une âme d’acier ou un esprit de prince. Le cœur de Tolstoï, et son imagination, sont l’espace le plus vaste qu’il y ait, aujourd’hui, dans le monde ; et ce vieillard est le seul exemple qui nous ait été donné d’une vie sublime. Que sa vieillesse puissante nous est chère : elle est encore la plus belle œuvre d’un poète, à qui l’on en doit de si grandes ; elle est un témoignage merveilleux du cœur en faveur de l’esprit. Celui qui pouvait vivre de gloire n’a plus voulu vivre que de charité. Et celui à qui le génie eût dû suffire n’a pu se contenter à moins de l’amour parfait. Ainsi l’homme, qui était allé le plus loin dans la connaissance des autres, n’a pas désespéré de l’humanité ; mais, au contraire, il y a guéri les doutes conçus de soi-même. C’est le plus beau triomphe de l’imagination. Il ne sera pas dit qu’elle tue le cœur sous elle, car plutôt elle le ressuscite. Médiocre, elle ruine son homme, et le réduit à la misère, en le forçant à lui tout tourner en pâture, pour la soutenir. Mais, grande et vive, qu’elle est féconde ! En tout, l’essentiel est d’avoir beaucoup plus d’imagination que les autres, et de connaître quel abîme sépare la médiocrité de la plénitude. Il est