Page:Suarès - Tolstoï.djvu/95

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trait pas devoir s’être pris pour modèle. Or, il l’a, au contraire, toujours fait. Il a ce don extraordinaire de se voir dans tous les détails, et dans les plis les plus secrets de l’âme, — sans jamais se reconnaître. Il ne se quitte, pour ainsi dire, point, — et n’est pas à soi-même attaché. De là, cet air incomparable de vérité mis en tout. Les Anciens nous peignent ainsi la simplicité grecque, Œdipe, Ulysse, Philoctète ; mais ils ne se sont jamais peints.

Point d’image de Tolstoï, qui vaille donc celles qu’il en a données. Il n’est que d’aller à son œuvre, et de les y prendre. On le suit de l’enfance à la vieillesse. Il n’y manque pas, non plus, les traits du visage. Ce n’en est pas un des moindres mérites, que ce portrait ait été tracé peu à peu, avec le temps, au cours d’un demi-siècle. Rousseau vieillard parle de Rousseau jeune homme. Mais c’est Tolstoï jeune homme, qui peint Tolstoï adolescent. Outre les dons d’une mémoire admirable, Tolstoï, s’observant sans relâche, n’a pas remis à plus tard de fixer ses impressions.

Ses Souvenirs d’Enfance sont le seul livre, au monde, où l’âme et l’esprit de l’enfant s’offrent