Page:Submersion de la ville d'Is.pdf/2

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
SUBMERSION DE LA VILLE D'IS.

— Oh ! non ; coulons gaîment la vie ;
Venez au banquet vous asseoir.

— Oh ! pour moi, je quitte la fêle ;
Dans mon âme a passé l’effroi.
— Que votre volonté soit faite,
Si c’est la volonté du roi.

Pendant ce temps à son amante
L’amoureux répétait encor :
— Fille du roi, fille charmante,
Douce Dahut, et la clef d’or ?

— La clef d’or du puits de l’abîme ?
Ma main saura bien la saisir ;
Mon cœur à ta voix se ranime ;
Qu’il soit fait selon ton désir.

Il dort le vieux roi… nuit fatale !
Qui n’eût admiré sa beauté ?
Car, dans sa pourpre qui s’étale,
Il est vêtu de majesté.

Il dort d’un sommeil qui commence,
A son cou son plus cher trésor,
La clef de l’Océan immense
Suspendue à sa chaîne d’or.

Mais voici que la blanche fille
A suivi des détours connus,
Et vers la chaîne d’or qui brille,
Glisse doucement, les pieds nus ;

A genoux, tenant son haleine,
Elle rampe plus près encore,
Soulève prudemment la chaîne ;
Elle a dérobé la clef d’or…


    Ce puits avait une porte secrète dont le roi seul avait la clef, et qu’il ouvrait ou fermait lui-même ; quand cela était nécessaire. Or, une nuit, pendant qu’il dormait, la princesse Dahut, sa fille, voulant couronner dignement les folies d’un banquet donné à son amant, lui déroba la clef du puits, courut ouvrir la porte, et submergea la ville. » — Les vers de de M. le vicomte de Francheville ont été lus à Quimper, au dernier Congrès de l’Association Bretonne, pendant lequel la statue du roi Gralon a été inaugurée. (Octobre 1858).