Page:Sue - Arthur, T2, 1845.djvu/110

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la plainte ; parce que si je vous avais cru insouciant, léger, heureux enfin de cette existence frivole, dont vous vantiez tout à l’heure les charmes, jamais je n’aurais songé à vous dire… ce qui me rend si malheureuse, à vous confier un secret qui vous expliquera peut-être une vie qui doit vous avoir paru jusqu’ici bizarre, fantasque, incompréhensible ; jamais enfin, je n’aurais songé à vous confier, comme à l’ami le plus vrai, le plus dévoué, comme à un frère enfin, la cause de ce chagrin qui m’accable.

Au point de méfiance où j’étais arrivé, ces mots d’ami, de frère, me firent tout a coup venir à l’esprit une autre idée. Me rappelant alors les réticences de madame de Pënâfiel et mille incidents qui, jusqu’il ce moment, ne m’avaient pas frappé ; pensant que ce chagrin sans nom, ce dégoût de tout et de tous, cet ennui du monde, dont elle se plaignait si amèrement, ressemblait fort à la désespérante réaction d’un amour malheureux ; je crus que madame de Pënâfiel aimait avec passion, que ses sentiments étaient méconnus ou dédaignés, et que je lui paraissais assez sans conséquence pour devenir le discret confident de sa peine et de son délaissement.

Cette dernière hypothèse, en éveillant dans