Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/82

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avec une clarté froide qui me glaçait ; plus tard, il me fit lire son testament avec la même apparence d’insensibilité ; les sanglots me suffoquaient, il ne semblait pas s’en apercevoir ; il terminait d’ordinaire cette sorte d’initiation au gouvernement futur de la fortune qu’il me laissait, par quelques enseignements faits d’une voix brève, et interrompue par de longs silences.

Ces enseignements révélaient le jugement le plus droit, le plus sûr, et aussi la connaissance la plus réelle et la plus approfondie des misères, ou plutôt de ce qu’il appelait les nécessités morales de la condition humaine ; car un trait bien frappant du caractère de mon père était une manière de voir étrangement calme et désintéressée à propos des faiblesses inhérentes à notre espèce, selon lui, puisqu’on était obligé d’admettre, comme conséquents à notre organisation morale, certains faits, certains instincts bas ou égoïstes, auxquels les nobles caractères ne pouvaient échapper ; il trouvait aussi inutile de cacher ou de nier cette plaie que de blâmer les hommes d’en être atteints.

Ainsi, lui demandait-on un service, il déduisait à soi ou à son obligé les raisons qui généralement amènent l’ingratitude, puis néanmoins