Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/17

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accomplissent mieux ma prédiction que toutes les…

— Silence ! » dit Yvonne.

Pendant que Kernok exprimait aussi librement son scepticisme, elle avait étudié les lignes qui se croisaient dans sa main.

Alors, elle fixa sur lui ses yeux gris et perçants, puis approcha son doigt décharné du front de Kernok ; il tressaillit en sentant l’ongle de la sorcière se promener sur les rides qui se dessinaient entre ses sourcils.

« Holà ! dit-elle avec un sourire hideux, holà ! toi, si fort, tu trembles déjà !

— Je tremble… je tremble… Si tu crois qu’il est possible de sentir sans dégoût ta griffe s’approcher de ma peau, tu te trompes fort. Mais vienne, au lieu de ton cuir noir et tanné, une main douce et potelée, tu verras que Kernok. .. que.. . car. .. que.. . »

Et il balbutiait, baissant involontairement les yeux devant le regard fixe et arrêté de la sorcière.

« Silence ! » dit-elle encore ; et sa tête retomba sur sa poitrine : on l’eût dite absorbée dans une profonde rêverie. Seulement elle était agitée, par intervalle, d’une espèce de tremblement convulsif, et l’on entendait ses dents s’entrechoquer. La lueur vacillante du foyer qui s’éteignait éclairait seule, de sa clarté rougeâtre, l’intérieur de cette masure ; et, reflétée de la sorte, la tête difforme de l’idiot, qui sommeillait tapi dans un coin, devenait réellement effrayante. On ne voyait d’Yvonne que sa mante noire et ses longs cheveux gris ; la tempête mugissait au-dehors. Il y avait je ne sais quoi d’horrible et d’infernal dans cette scène.

Kernok, Kernok lui-même éprouva un léger frisson qui le parcourut, rapide comme l’étincelle électrique. Et sentant peu à peu se réveiller en lui son ancienne superstition d’enfant, il perdit cet air d’incrédulité moqueuse dont ses traits étaient empreints en