Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/24

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le pilote venait au vent au lieu de laisser porter sur le navire poursuivi. Jamais l’alcyon, rasant l’eau du bout de son aile, n’a volé avec autant de rapidité que ce beau brick, lorsque, par une forte brise, ses huniers et ses perroquets hauts, il glissait sur l’Océan, tellement penché que le bout-dehors de ses basses vergues effleurait le sommet des vagues.

Vrai Dieu ! mordieu ! cordieu ! c’est un brave brick que le brick L’Épervier !

Et c’est lui que vous voyez là, tout noir, affourché sur ses deux câbles.

À bord, il restait peu de monde : le maître d’équipage, six matelots et un mousse, rien de plus.

Les matelots étaient groupés dans les haubans ou assis sur l’affût des caronades.

Le maître d’équipage, homme d’environ cinquante ans, enveloppé dans un long caban oriental, se promenait sur le pont d’un air agité, et la protubérance que l’on remarquait sous sa joue gauche annonçait par son excessive mobilité qu’il mordait sa chique avec fureur.

Or, le mousse, qui, immobile auprès du maître, son bonnet à la main, paraissait attendre un ordre, remarquait ce fâcheux pronostic avec un effroi toujours croissant ; car la chique du maître était pour l’équipage une espèce de thermomètre qui annonçait les variations de son caractère ; et ce jour-là, suivant les observations intérieures du mousse, le temps avait l’air de se mettre à l’orage.