Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/44

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Puis, s’élançant sur une caronade :

« Enfants ! si je ne me trompe, ce trois-mâts arrive de la mer du Sud ; à cette guibre courte et camarde, à cette rentrée, je reconnais un bâtiment portugais ou espagnol qui se rend à Lisbonne sous pavillon anglais, ignorant peut-être que la guerre est déclarée à l’Angleterre. Ça le regarde. Mais ce chien-là doit avoir des piastres dans le ventre. Nous allons voir, cordieu ! Enfants, sa coque seule vaut vingt mille gourdes ! mais patience, L’Épervier étend ses ailes et va bientôt montrer ses ongles.

Allons, enfants ! nageons, nageons ferme ! » Et il animait de la voix et du geste les matelots qui, courbés sous les longs avirons du brick, doublaient la vitesse que lui donnait la brise.

D’autres marins s’armaient précipitamment de sabres et de poignards, et maître Zéli faisait en tout cas disposer les grappins d’abordage.

Kernok, lui, après avoir fait toutes ses dispositions, descendit dans le faux pont et enferma Mélie, qui dormait dans son hamac.

On était prêt à bord de L’Épervier : le capitaine du malheureux San-Pablo, reconnaissant le brick de Kernok pour un bâtiment de guerre, tout en gémissant du malheur arrivé à son bord, avait hissé le pavillon anglais, espérant se mettre sous sa protection.

Mais quand il vit la manœuvre de L’Épervier, dont la marche était encore hâtée par de longs avirons, il n’eut plus de doute et comprit qu’il était tombé sous le vent d’un corsaire.

Fuir était impossible. À la faible brise qui soufflait par rafales avait succédé un calme plat, et les avirons du pirate lui donnaient un avantage de marche positif. Il ne fallait plus songer à se défendre. Que pouvaient faire les deux mauvais canons du